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ÉPIDÉMIE COVID-19 Défaut d'accès aux données d'évaluation des médicaments : un problème récurrent, non spécifique du covid-19
 Dans l'actualité  Une publication rapportant des résultats d'études de pharmacoépidémiologie concernant l'utilisation de l'hydroxychloroquine dans le covid-19 a été retirée. Les raisons avancées sont principalement une absence d'accès aux données brutes à d'autres personnes que certains auteurs. Un problème récurrent, qui n'est pas spécifique de l'évaluation des traitements médicamenteux du covid-19.
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Une publication rapportant des résultats d'études de pharmacoépidémiologie concernant l'utilisation de l'hydroxychloroquine (Plaquénil°) dans le covid-19 a été rétractée par ses principaux auteurs, peu après avoir été publiée dans The Lancet. La publication dans le New England Journal of Medicine d'une autre étude chez des patients atteints de covid-19, ayant utilisé la même base de données, a aussi été rétractée. Nous avions rapporté le résultat de l'étude du Lancet le 3 juin 2020. Cette rétractation nous a conduits à apporter des précisions à notre analyse (> ICI) : les conclusions générales de notre analyse ne sont pas changées, mais cette rétractation réduit la solidité de la connaissance.

Les principales raisons invoquées par les auteurs pour expliquer ces rétractations sont les limites d'accès aux données brutes analysées, ce qui ne permettait pas de répondre aux critiques de l'étude concernant l'hydroxychloroquine.

L'opacité sur les données brutes de l'évaluation des médicaments est un problème récurrent aux conséquences potentiellement néfastes pour les patients et pour la connaissance sur les médicaments. En 2012, L'Association Mieux Prescrire interrogeait déjà la communauté scientifique : « Les auteurs hospitalo-universitaires qui signent les comptes rendus de ces essais ont-ils accès aux données brutes pour réaliser leurs analyses ? ». Ainsi, une étude publiée en 2011 avait montré que de nombreux protocoles d'essais cliniques stipulaient que les données appartenaient à la firme ayant financé l'essai. Et sur 39 auteurs ayant répondu à une enquête, 26 seulement avaient déclaré avoir eu accès aux données brutes. Les autres auteurs avaient eu accès à des données déjà plus ou moins travaillées (codées, compilées, analysées, etc.).

L’accès aux données brutes des études cliniques et à celles de pharmacovigilance est le seul moyen d’examiner comment elles ont été codées, colligées et analysées, afin de vérifier le niveau de leur solidité et leur véracité Ainsi, au début des années 2010, un groupe du Réseau Cochrane a dû lutter pendant plusieurs années pour obtenir des données détenues et retenues par la firme Roche de l'oséltamivir (Tamiflu° ou autre) en traitement de la grippe. L'analyse des données finalement obtenues a révélé de grandes faiblesses méthodologiques dans l'évaluation de ce médicament, des défauts dissimulés par la firme, alors que ces essais avaient conduit divers pays, dont la France, à constituer de grands stocks d'oséltamivir.

En 2015, des chercheurs indépendants ont eu accès aux données brutes d'un essai évaluant la paroxétine (Deroxat° ou autre) chez des adolescents atteints de dépression. Leur analyse des données a montré que dans le compte rendu initial de cet essai, les auteurs et la firme avaient exagéré son efficacité et minoré ses effets indésirables, notamment en dissimulant le risque de suicide.

En avril 2014, un Règlement européen sur les essais cliniques a été adopté, stipulant que les données des rapports d’étude clinique ne relèvent pas du secret commercial. Pour autant, une transparence complète de l'évaluation des produits de santé reste difficile à obtenir de la part des firmes et des agences publiques chargées du médicament.

En pratique, l'évaluation des médicaments comporte diverses fragilités, qui ont été accentuées dans ce cas par la rapidité de publication en réaction à la pandémie de covid-19. De nombreux intérêts sont en jeu. Chacun a intérêt à être prêt à tenir compte dans sa pratique de l'évolution des connaissances.

© Compétence 4 • 8 juin 2020

Voir aussi :

  • "Covid-19 et hydroxychloroquine (suite) : début juin 2020, toujours pas de preuve d'efficacité et encore des signaux d'effets indésirables graves" (3 juin 2020) > ICI
  • "Des nouvelles données sur les effets indésirables cardiaques de l'association de l'hydroxychloroquine (Plaquénil°) avec l'azithromycine (Zithromax° ou autre)"(16 avril 2020) > ICI
  • "Covid-19 et hydroxychloroquine (Plaquénil°) : de nouvelles données, sans signal d'une efficacité" (16 avril 2020) > ICI
  • "Covid-19 et hydroxychloroquine : pas encore de résultats probants" (10 avril 2020) > ICI
  • "Covid-19 et hydroxychloroquine : incertitudes et questions qui se posent" (2 avril 2020) > ICI
  • "Covid-19 et hydroxychloroquine : prudence" (30 mars 2020) > ICI
  • "Covid-19 et essais de médicaments : que faire des premiers résultats d'évaluation ?" (23 mars 2020) > ICI

Sources :

"Défaut d'accès aux données d'évaluation des médicaments : un problème récurrent, non spécifique du covid-19"  Application Prescrire (8 juin 2020)

Pour en savoir plus :

 ÉPIDÉMIE COVID-19   Des informations pour y voir clair > ICI

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